Echos d'une visite de préparation au stage...
Nous sommes deux à arriver dans la ville de Leicester
pour une visite de 24 heures.
Notre première impression : nous sommes frappés par l’accueil et l’ouverture
des Églises. Ce n’est pas seulement l’accueil des personnes, mais c’est aussi
la mise en valeur des bâtiments. Autour de la petite cathédrale, les bureaux
diocésains, une librairie, un café, une place ouverte sur la ville. Tout est
moderne et chaleureux, c’est déjà une forme de témoignage.
Nous découvrons que le diocèse est relativement petit en
taille : 320 paroisses. Le territoire est centré sur la ville de
Leicester, de taille moyenne, qui est entourée de petites villes semi-rurales. Une
partie du diocèse est rurale avec des villages. Il y a une concentration
importante de fidèles dans certaines Églises dynamiques : 40% des membres
actifs sont dans 25 Églises locales. Inversement, beaucoup de paroisses sont
petites et fragiles.
Nous passons plusieurs heures à découvrir la dynamique du
diocèse, qui est marquée par un projet de développement missionnaire intitulé
« Shaped by God » (façonnés/formés par Dieu) élaboré en 2005 et
renouvelé en 2010. Au cœur
du projet s’inscrit le désir de témoigner au plus grand nombre par une
stratégie de co-développement de paroisses traditionnelles (on les appelle
« Inherited Expressions ») et de nouvelles formes d’Église (Fresh Expressions of Church). C’est une
orientation ambitieuse, qui semble avoir déjà marquée positivement le diocèse.
Un objectif étonnant : 320 Fresh Expressions en 20 ans
En 2010, le diocèse s’est donné comme objectif d’ici 2030,
de démarrer 320 Fresh Expressions, c’est-à-dire
autant qu’il y a de paroisses traditionnelles (!)
C’est un objectif qui nous paraît étonnant, démesuré,
mais qui a incontestablement un côté jubilatoire. On sent que le diocèse est en
marche. Cet objectif traduit une volonté d’encourager toutes les paroisses du diocèse (grandes et petites) à adopter une
perspective « missionnelle » (façonnée par la mission). Leur conviction :
chaque paroisse peut initier quelque chose de nouveau, si elle se
demande : où est-ce que l’Esprit est à l’œuvre autour de nous, où est-ce
qu’il nous conduit, comment pouvons-nous agir à partir de ce que nous
sommes ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intérêt
fondamental n’est pas d’augmenter les chiffres, qui servent à offrir des
objectifs mesurables. L’accent est plutôt sur l’idée d’une dynamique de mission
impulsée par Dieu. On définit même la mission par « l’action de Dieu à
laquelle nous sommes invités à nous joindre ». Et puis, il y a une claire
attente que la mission de Dieu porte des fruits réels dans la vie des personnes
et des communautés…
Dix ans après le
lancement du projet « Shaped by God », quels en sont les
fruits ?
En 2014, on en compte 110 Fresh Expressions déjà dans le
diocèse, dont la plupart ont démarré depuis 2010. Ce développement faut du
diocèse un des plus développés en matière de Fresh Expressions en Angleterre. 10% des membres actifs de l’Église
fréquentent une Fresh Expression. Et
si ces nouvelles initiatives sont relativement fragiles, parce que récents
(tous les responsables que nous avons rencontrés ont souligné cet aspect), elles
semblent quand même représenter une vraie ouverture sur d’autres publics. Les
chiffres l’attestent : 75% de ceux qui fréquentent régulièrement une
nouvelle forme d’Église sont soit des « de-churched » (des non
pratiquants qui reviennent – 35%) ou des « non-churched » (ceux qui
n’avaient aucun lien avec l’Église auparavant - 40%).
Les Fresh
Expressions sont extrêmement variées. Leur seul point en commun semble être
que chacun choisit un nom inhabituel… Parmi celles qui ont été évoquées pendant
notre visite :
·
« Gentle monastic » : Une
expérimentation liée à la redécouverte de la contemplation en lien avec
l’écologie ;
·
« Messy Play » : Des approches
d’Église centrées sur la dynamique de famille, où toutes les générations ont
leur place (c’est la forme la plus répandue de Fresh Expression dans le diocèse) ;
·
« Passion » : une initiative innovante
autour de la jeunesse, qui se réunit dans un ancien bordel, converti en centre
communautaire d’Église !
·
« Hathern » : une tentative de
faire Église autrement en situation rurale ;
·
« Café Church » : Plusieurs
initiatives communautaires qui ont lieu dans des cafés ;
·
« Forest Church » : une approche
qui cherche à être Église au milieu de la nature ;
·
« All Saints » : une nouvelle
communauté au milieu d’une culture asiatique…
Ce dernier exemple nous a particulièrement marqué, car il
s’agit d’un partage innovant entre le diocèse et une communauté naissante
enracinée dans la culture asiatique locale. Le diocèse a mis à disposition de
ce projet un bâtiment d’Église désaffecté, et participe à la dynamique par un
soutien pastoral et pratique. Quatre ans après le lancement, la communauté
grandit rapidement, le responsable laïc se prépare à l’ordination dans l’Église
d’Angleterre, et c’est l’évêque lui-même qui célèbre des baptêmes d’adulte par
immersion sur l’esplanade devant la cathédrale !
Notre visite a été bien trop rapide pour pouvoir évaluer toutes
ces approches, mais certains aspects nous ont particulièrement interrogés et
méritent d’être explorés :
·
La
plupart des Fresh Expressions
démarrent à partir d’une paroisse existante, souvent à partir de passions
ou d’intérêts individuels. Le diocèse encourage la créativité, la prise de
risque. Ils sont lucides sur la « non-réussite » de certaines
expérimentations, mais ce n’est pas vécu comme un échec. Le lien entre paroisse
dynamique et lancement de Fresh
Expressions explique pourquoi le diocèse veut encourager chaque paroisse à
initier au moins une Fresh Expression.
·
La
priorité donnée à la mission par le diocèse se voit au niveau des moyens
mis à disposition : une équipe d’une dizaine de personnes (plein temps,
mi-temps) accompagne le développement des Fresh
Expressions et des formations associées. A l’intérieur de cette équipe, la
formation occupe une place importante.
·
La
question des leaders est centrale. Il n’y a ici pas de surprise.
Mais on constate que dans le diocèse, 80% des Fresh Expressions sont menés par un laïc (parfois rémunéré,
mais la plupart du temps bénévole). Ceci dit, que le responsable soit ordonné
ou pas, dans tous les cas, le « leader » n’est pas seul. Une Fresh Expression démarre toujours à
partir d’une équipe engagée qui constitue le noyau de la communauté naissante.
·
Le
diocèse met un accent très important sur la formation à l’animation des Fresh Expressions. Reconnaissant qu’il
n’y aura jamais suffisamment de ministres ordonnés pour animer ces nouvelles
initiatives missionnaires, le diocèse mise sur la mobilisation des membres de
l’Église. Par conséquence, il s’est donné un autre objectif audacieux : former
640 personnes à un ministère « pionnier » reconnu par le diocèse
(ordonnés et laïcs, rémunérés ou bénévoles) entre 2010 et 2030. La
reconnaissance formelle de ces ministères revient au diocèse (à l’évêque), mais
leur accompagnement est la responsabilité des paroisses qui en sont les initiateurs.
Plusieurs parcours de
formation sont proposés par le diocèse,
qui sont marqués par l’alternance entre théologie et exercice d’un ministère,
l’encouragement à la co-création. Les mêmes formations s’adressent à tous, sans
distinction entre ministres et laïcs, rémunérés ou bénévoles. La variété des
idées et des approches est encouragée.
·
Plus récemment on propose des parcours de formation qui s’adressent à des
communautés locales entières, plutôt qu’à des individus. Typiquement ces parcours se font à
l’intérieur d’une paroisse ou un ensemble de paroisses.
Nous sommes rentrés avec l’impression d’un diocèse
dynamique, marqué par la créativité et par une certaine audace, mais également
conscient de la fragilité des Fresh Expressions. Nous avons régulièrement
entendu à quel point l’aspect de l’économie mixte est fondamental à la
« réussite » des nouvelles formes de communauté ecclésiale.
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