mardi 24 mai 2016

Méga-church anglicane


Un dimanche matin à Holy Trinity Church.
On l'aime, on l'attend, on le vit à fond : il s'agit là, pour nous pasteurs et membres engagés de nos communautés paroissiales, de notre fameux et ancestral culte du dimanche, temps et lieu de ressourcement, de retrouvailles communautaires, de mémoire et de mise en œuvres de nos principes les plus chers, endroit confortable où les membres de la communauté trouvent tout ce dont ils ont besoin. Ce dimanche, à 10h30, loin de nos communautés et de leurs bâtiments, qui nous ont, bien sûr, un peu manquées, nous avons eu la chance de participer au culte de Holy Trinity Church, une importante paroisse anglicane d'expression évangélique située au cente de Leicester. Notre découverte a débuté avec un culte dominical qui m'a interrogée sur la manière de « rafraîchir » cette manière ancestrale de vivre l'Eglise qu'est notre cher et bon vieux culte.

Un espace pour le vide.
L'assistance au culte est jeune et pourtant, de nombreuses chaises sont vides. Interrogée par cette étrangeté, j'ai appris que le culte n'est pas compris comme le lieu de rassemblement de toute la communauté paroissiale, mais bien plutôt comme un lieu d'évangélisation. Ainsi, ceux qui sont à l'Eglise depuis longtemps sont invités à se retrouver régulièrement ensemble ailleurs, afin de laisser de la place aux « nouveaux » ou aux « débutants ». De la même manière, ceux qui ne se sont pas rassemblés en groupes sont invités à sortir pour une marche priante dans la ville pendant le culte. Alors que nous avons l'habitude de penser le culte en terme de remplissage et d'édification communautaire, j'ai été frappée par cette manière de faire de la place à ceux qui ne sont pas encore présents, nous mettant au passage devant une manière de manière constructive le "non plein" de nos assemblées.

Un espace pour le quotidien.
La personne qui anime le culte souhaite la bienvenue à deux reprises à tous les présents et en particuliers aux nouveaux. Un accueil adapté est réservé aux enfants, accueillis dans des groupes représentés par des logos qui ressemblent à ceux que nous trouvons dans les publicités. Les sièges, confortables, ont tout ce ce qu'on trouve dans divers lieux de travail ou de détente, alors que la vieille église est aménagée de manière pratique et moderne. Au programme du temps de louange, ni Psaumes ni chants de victoire, mais des chants nouveaux, aisés à suivre sur un écran. Tout est organisé pour que l'humain du XXIème siècle se sente en confiance dans un univers qui ne diffère pas radicalement de ce qu'il rencontre habituellement. Nous pensons souvent les formes du culte en termes de tradition ou de principes théologiques. Elles semblent ici pensées en fonction de l'appel que Dieu adresse et qu'il s'agit de faire résonner dans un cadre assez habituel pour que la démarche de confiance qu'implique la foi soit facilitée.

Un espace pour la transformation.
L'église débute une série de prédications sur la vocation. Nous entendons un sermon accessible et intéressant sur le lien entre l'amour inconditionnel de Dieu et notre appel personnel. Le message se terminé par un résumé projeté sur l'écran de ce qu'il est possible de faire concrètement pour progresser dans la mise en œuvre de notre appel au quotidien. Il s'en suivi un « appel » classique à la conversion ainsi qu'un temps de prière personnelle avec la possibilité de recevoir la prière d'un membre de l'église. L'objectif affiché de ce temps est que chacun puisse se laisser transformer par Dieu dans la dynamique mise en avant par le message. Ainsi, alors que le cadre proposé n'est qu'en peu différent de leur cadre quotidien, les personnes sont appelées à changer, à grandir dans le sens tracé par l'enseignement biblique, avec l'aide de Dieu, présent et agissant. La foi n'est ici ni poésie ni montage intellectuel, mais confiance appelée à changer la vie de ceux qui s'y engagent, ce qui interroge l'aspect dynamique et transformant du message que nous partageons en Eglise.

Une dynamique de changement.
Après le culte, nous sommes reçus par John McGingley, le pasteur qui est à l'origine de la réorganisation novatrice de l'Eglise dont nous venons d'observer le principal rassemblement dominical. Ainsi a-t-il été décidé, il y a une dizaine d'années, que les groupes de maisons existants qui visaient le confort de ceux qui s'y rendaient pour recevoir quelques bienfaits spirituels seraient dissous pour être remplacés par des communautés missionnaires. Ces communautés d'une dizaine de personnes ont été chargées de discerner dans la prière leur appel spécifique et d'y répondre en menant des actions pour les autres et en se retrouvant pour des temps de prière et de partage biblique. De cette dynamique ont émergé diverses initiatives tournées vers des publiques spécifiques. Ainsi a-t-il été question d'un groupe tourné vers les parents de jeunes enfants ou d'un groupe de personnes intéressées par l'écologie. Les communautés missionnaires sont scindés pour donner naissance à de nouveaux groupes, lorsque le nombre de personnes rassemblées est trop important pour permettre la croissance du groupe comme des individus.
A la racine de cette méthode admirable par la dynamique d'innovation, de partage et d'adaptation qu'elle met en œuvre se trouve beaucoup de confiance. Ainsi, je pense n'avoir pas été la seule à frémir à l'idée que l'institution dont nous nous percevons parfois comme les gardiens puisse donner à des groupes de personnes une si grande liberté  d'innovation. A l'origine de cette liberté dans les formes, se trouve peut-être une certaine unité quant aux grandes lignes des convictions partagées par les membres de l'église. Ainsi, bien que John McGingley nous ait assuré que tous les groupes ne partageaient pas la même théologie, le culte et les documents qui nous ont été transmis témoignent d'un socle de convictions communes autour des notions de la conversion, de sanctification et d’œuvre du Saint-Esprit. Ainsi se dessine probablement le cadre et le moteur d'une aventure originale : celle d'oser diversement ensemble.


Aurélie Derupt

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